Comment initier les enfants à la protection des renseignements personnels
Dans notre enfance, nous n’avions que peu de renseignements personnels à retenir et à protéger : un numéro de téléphone, une adresse et parfois une combinaison de cadenas. À l’ère numérique, les NIP et les mots de passe se sont multipliés.

À sept ans, les enfants en ont probablement un qui leur donne l’accès à des jeux ou à un réseau de messagerie. Ils savent déjà que ces mots de passe et autres NIP sont des clés secrètes, mais ils ne mesurent pas encore le fait que celui qui connaît cette clé peut avoir accès à des renseignements très importants.
 Même si, pour l’instant, les renseignements personnels de notre enfant n’intéressent pas nécessairement les fraudeurs, d’autres genres de prédateurs le prennent parfois pour cible. On doit commencer dès maintenant à le sensibiliser à la protection de ses renseignements.

Ne pas les divulguer à n’importe qui
Faire la différence entre la sphère publique et la sphère privée est le premier pas vers la prudence. Cette distinction nous permet à tous de juger de la confiance qu’on peut avoir dans une situation donnée et de la pertinence de transmettre nos renseignements. Si un enfant de sept ans apprend à évaluer ce niveau de confiance, il sera en mesure plus tard de protéger ses renseignements personnels adéquatement.

Vous pouvez donner comme exemple les transports publics, qui accueillent tous ceux et celles qui souhaitent monter à bord. Ce sont des gens qui viennent de partout et qu’on ne connaît pas nécessairement. On ne leur racontera pas tous nos secrets. Nos conversations avec ces inconnus se borneront sans doute à demander notre chemin ou bien l’heure qu’il est. À l’inverse, la voiture familiale est un espace privé. On choisit généralement d’y faire monter des personnes qu’on connaît, en qui on a confiance et à qui on est plus susceptible de se confier. Nos conversations peuvent devenir plus « privées» et « personnelles ». Et c’est nous qui décidons si nous pouvons faire confiance à ces personnes.

Il ne faut pas avoir peur de dire à notre petit que, parfois, on peut se tromper. C’est pour cela qu’on avance lentement dans les confidences et qu’on ne raconte pas nos secrets au premier venu. Faites le lien avec ses amis : ils ne sont pas devenus ses « meilleurs amis » du jour au lendemain!

CONSEIL : Précisez à votre enfant que le Web est un espace public et qu’il ne peut donc pas y divulguer ses renseignements personnels. Comme la notion d’espace virtuel est difficile à cerner pour des enfants de sept ou huit ans, il faudra leur rappeler souvent qu’il s’agit d’un espace public. Même un réseau de communication, comme MSN, par exemple! Les consignes doivent être claires et sans nuances : il ne devrait jamais donner son nom, son adresse, son numéro de téléphone ou son adresse de courriel. Un bon repère : ne donner que les renseignements qui sont vrais pour tous les enfants du monde… Il ne devrait pas non plus naviguer sur le Web sans la présence d’un adulte dans la même pièce. Si on le sollicite pour quelque chose qui l’intéresse, il devrait le consulter.

Évaluer leur importance
Certains renseignements personnels sont plus précieux que d’autres et méritent une plus grande protection. Pour clarifier cela, vous pouvez faire une analogie avec ses jeux. Ainsi, ceux qui sont offerts à la bibliothèque sont à la disposition de tous, à la condition qu’ils en prennent soin. Mais ceux qui lui appartiennent, il les prête seulement aux copains et copines qu’il connaît et en qui il a confiance. Et il y en a probablement qu’il ne prête jamais...

Il en va de même avec les renseignements personnels. Ils lui appartiennent et ne peuvent être mis à la disposition de tous. Certains, comme un pseudonyme, peuvent être partagés avec des amis ou des gens en qui il a confiance alors que d’autres, comme sa note en math au dernier bulletin ou son béguin pour la petite blonde du fond de la classe, doivent demeurer confidentiels ou être partagés uniquement avec des proches.

Sur le Web, votre enfant peut être invité à décrire ses passe-temps, à donner le nom de son école ou à montrer une photo de sa famille. Cela peut sembler banal à ses yeux, mais faites-lui comprendre qu’il s’agit là aussi de renseignements personnels et que certains ne peuvent être partagés avec n’importe qui.

CONSEIL : Voici un jeu à faire en famille. Dressez ensemble une liste de différents renseignements personnels : votre travail, le nom de votre chien, l’âge de chacun des membres de la famille, leur code d’usager sur l’ordinateur, la couleur de leur chambre, leur numéro de compte bancaire, etc. Demandez ensuite à chacun de classer ces infos en quatre catégories à l’aide de quatre autocollants :

  • public pour celles qu’il peut partager avec n’importe qui;
  • privilégié pour celles qu’il peut partager avec des amis ou des personnes de son entourage;
  • secret pour celles qu’il peut partager avec sa famille;
  • top secret pour celles qu’ils gardent pour lui seul.

Anticiper les conséquences plutôt que faire peur
Votre enfant devrait aussi être sensibilisé aux conséquences de la diffusion de ses renseignements personnels. Mais attention : il ne s’agit pas de lui faire peur en espérant que ça le stoppera! Parler des méchantes personnes et des prédateurs sexuels est moins utile qu’on le pense. La peur empêche généralement de réfléchir et d’exercer son jugement. Or, c’est tout le contraire que nous recherchons! En habituant votre enfant à se demander ce qui se passera s’il transmet telle ou telle information, vous l’aiderez à développer son jugement.

Prenons comme exemple la carte de bibliothèque de votre fille. Si elle la perd, la personne qui la trouve pourrait emprunter des livres, ne jamais les rapporter, et votre fille devrait les payer. Par contre, si elle la prête à sa sœur, elle saura très bien où sont les livres empruntés.

Même raisonnement pour le numéro de téléphone. Si votre enfant le donne à un inconnu, cette personne pourrait être mal intentionnée et lui téléphoner pour l’insulter. Ce serait vraiment moche. D'autre part, s’il veut que ses amis l’appellent pour aller jouer, il faut bien qu’il leur donne son numéro!

C’est en exerçant son jugement (« pourquoi je fais cela et quel en sera le résultat? ») que votre enfant apprendra à déterminer quelle information il peut donner et à qui il peut la donner. Ne nous attendons pas à ce qu’il saisisse parfaitement le concept dès maintenant. Il s’agit de développer sa capacité et cela prend de la pratique! Avec le temps, son jugement se renforcera et il sera en mesure de prendre des décisions qui le protégeront vraiment. C’est vrai sur le Web, à l’école, au boulot et dans la société.

Pour aller plus loin

Rien ne vaut la vraie vie!
Profitez de toutes les situations de la vie qui permettent à votre enfant d’exercer son jugement. Nous savons tous déjà que les « leçons » sont beaucoup moins payantes auprès des enfants que les expériences de la vraie vie! Lors d’une visite au guichet automatique votre enfant vous verra cacher le clavier au moment d’entrer votre NIP. Dites-lui que cette info est classée « top secret » sur votre liste. C’est une information que vous ne partagez pas avec lui ni personne… même si vous l’aimez beaucoup! C’est une question de principe, pas d’affection.

D’autres occasions se présenteront : la caissière qui vous demande votre numéro de téléphone; l’enseignant qui, à une rencontre parents-élèves, demande combien de temps il étudie chaque jour; sa tante un peu tannante qui, lors d’une fête de famille, lui demande s’il a un petit amoureux ou une petite amoureuse. Il ne s’agit pas de faire un cours magistral, mais de lui faire remarquer  l'importance de l’information qu’il transmet.

- Par France Paradis