Ciel pur, mer bleue, sable blanc… Voilà ce que ma sœur Sylvie avait décidé d’offrir, il y a une dizaine d’années, à sa fille et aux trois enfants de son conjoint. Le premier Noël de sa famille reconstituée allait se dérouler à Cancún, au Mexique, une destination qu’elle affectionne particulièrement.

« Je vous achèterai à chacune un souvenir », avait-elle promis gentiment – ou naïvement – à Kristina, Catherine, Valérie et Roxanne.

Une promesse qui n’avait pas été prise à la légère! Sitôt arrivées à destination, les filles voulaient faire du shopping… pour acheter « leur souvenir ».

Après avoir arpenté le centre commercial La Isla pendant des heures, Valérie qui, comme les autres, avait à maintes reprises évalué et soupesé des souvenirs, craqua finalement pour un t-shirt avec une fabuleuse photo de la mer déchaînée. Comme promis, ma sœur passa à la caisse, et le tour était joué. Enfin, c’est ce qu’elle croyait…

Le lendemain, alors que la famille visitait l’île de Cozumel, Kristina, Catherine et Roxanne insistèrent pour faire une tournée des boutiques.  « Nous n’avons pas encore de souvenir », geignirent-elles. Dans une bijouterie, Kristina scruta les pendentifs en argent qui scintillaient sous le présentoir en verre. Elle essaya une chaîne ornée d’une fleur, puis, satisfaite de l’effet du bijou à son cou, elle le tendit à Sylvie, qui tint encore une fois sa promesse.

Mais le petit clan était à peine sorti de la boutique que déjà Valérie maugréait. « Son souvenir est beaucoup plus beau que le mien », disait-elle en feignant de se parler à elle-même, mais de façon à ce que ma sœur puisse entendre. « J’aimerais avoir une chaîne moi aussi… une toute petite chaînette de rien du tout. »

Et la semaine continua ainsi. Magasinage et crisettes de jalousie se succédèrent. Résultat, quand ma sœur fit le bilan de ses vacances, elle tira les conclusions suivantes : trop de temps passé dans les magasins, trop de chamailleries et trop de dépenses inutiles…

Par conséquent, l’année suivante, lorsque Sylvie décida de retourner à Cancún en famille, elle remit 20 $ à chacune des filles en disant : « Faites-en ce que vous voulez. Achetez un souvenir ou dépensez-les autrement. »

Du coup, les filles passèrent beaucoup moins de temps dans les magasins, car les 20 $ leur permettaient non seulement d’acheter des souvenirs, mais aussi des gourmandises sur la plage. Elles ne se jalousèrent pas, ayant reçu le même montant et étant trop occupées à planifier leurs achats. Et elles dépensèrent moins, se limitant à ces 20 $.

La morale de l’histoire : responsabiliser ses enfants en leur remettant un montant d’argent ne permet pas seulement de leur apprendre à lire les étiquettes ou à calculer la monnaie. C’est aussi une façon de freiner leur appétit démesuré pour la consommation. Car, tant que ma sœur payait, Valérie, Catherine, Roxanne et Kristina avaient l’impression de pouvoir tout acheter en essayant de la convaincre – et elles savaient se montrer persuasives. Mais en ayant une somme précise entre les mains, elles savaient d’entrée de jeu quand les dépenses allaient s’arrêter…


 


Christine Deslandes est journaliste et économiste. Elle a obtenu son baccalauréat en économie de l'Université du Québec à Montréal et sa maîtrise de l'Université de Sherbrooke. Elle a aussi réussi avec succès le Cours sur les valeurs mobilières. Christine Deslandes a commencé sa carrière dans l'enseignement de la théorie économique au collégial et a très vite bifurqué vers le journalisme. Elle écrit pour différents journaux et magazines spécialisés en finance. Dans un style très personnel, elle aide des individus à comprendre les rouages des marchés financiers et les transactions qui s'y effectuent.