Une fois par semaine, la maman de PetitCoco avait pris l’habitude de lui rapporter une babiole de rien du tout. Sur son heure de dîner, elle se promenait dans le quartier chinois et trouvait parfois un petit truc pas cher pour le surprendre. Sans doute pour lui faire plaisir et voir la joie pétiller dans ses grands yeux. Mais peut-être aussi pour se faire pardonner de travailler cinq jours par semaine. La culpabilité des mères semble être un gouffre sans fond que beaucoup tentent, en vain, de remplir avec toutes sortes de choses.

Évidemment, comme tout enfant de trois ans, PetitCoco adore avoir «une surprise». Il l’espère. Il l’attend. Et JeuneMaman, ne voulant pas le décevoir, lui en apporte de plus en plus souvent, deux fois, puis trois fois par semaine. Elle doit se creuser la tête toujours davantage pour trouver de chouettes surprises. Ce qui n’empêche pas la réaction de PetitCoco de tiédir aussi sûrement que lentement quand il la reçoit.

Un jour, PetitCoco exige «sa surprise» en tendant la main, sans même un sourire. JeuneMaman, déroutée devant cette attitude, est bien obligée de lui dire qu’aujourd’hui, il n’y en a pas. PetitCoco s’écrase à terre en hurlant. Elle a beau lui expliquer qu’elle n’a pas eu le temps de faire sa promenade habituelle, rien n’y fait.

JeuneMaman est navrée et toute chamboulée de cette crise. Son petit a l’air tellement souffrant! Elle ne souhaite pas cela et promet de lui en apporter une dès le lendemain.

Et c’est ce qu’elle fait. Tous les jours, à partir de ce moment-là. JeuneMaman ne songe qu’à la joie de son fils et veut voir briller ses yeux encore et encore!

Mais les yeux brillent de moins en moins et arrive un moment où son petit trésor, son garçon adorable, son fils si avenant et aimable, lance la surprise au bout de ses bras en exigeant autre chose : cette babiole-là, il l’a déjà eue.

Ce geste semble mettre fin à la transe de la mère. La bulle est crevée, le bon sens se réveille. «Comment en sommes-nous arrivés là?», se demande JeuneMaman abasourdie.

La situation n'est pas aussi rare qu'on pourrait le croire. Bien des JeunesMamans et JeunesPapas ont vu leur petit déballer ses cadeaux de Noël à la chaîne sans s’y intéresser, faire la moue sans un mot de remerciement devant le cadeau offert si gentiment par grand-maman, piquer une crise pour la surprise promise et retardée. Cela vous rappelle-t-il quelque chose?

Peut-être avons-nous tous oublié que la valeur d’une chose tient essentiellement aux efforts qu’on a mis pour l’obtenir. Plus grande est sa rareté, plus grande est la difficulté surmontée pour l’obtenir, plus nous lui accordons de la valeur.

Le problème, c'est qu'on nous propose mille occasions d’offrir des cadeaux aux enfants : une dent tombée, la fin de l’année scolaire, une bonne journée, une surprise pour lui dire qu’on l’aime, la fin des couches la nuit, le renoncement à la suce, alouette! On oublie qu’il s’agit de stratégies de marketing et non de repères culturels.

Devenir propre ne mérite pas de cadeau, cela fait simplement partie du développement normal de l’être humain. Même chose pour la fin de l’année scolaire et une bonne journée. Pour avoir de la valeur, un cadeau doit souligner une occasion spéciale ou un effort particulier.

La joie permanente de nos enfants n’est pas un gage de notre aptitude à être de « bons parents ». Au contraire. En recherchant leur satisfaction perpétuelle, on les empêche d'apprendre à apprécier la valeur des choses.