Georges : Bienvenue à Partenaires en affaires, une nouvelle série d’entrevues en baladodiffusion. Chaque mois, nous développons un thème précis lié à l’actualité économique, au monde des affaires, aux nouveaux concepts de gestion ou à la fiscalité. Je suis Georges Pothier, chef d’antenne à la Chaîne Argent, journaliste économique à LCN et à TVA. Notre sujet du jour maintenant. Le dollar canadien qui vogue allègrement au-dessus de la parité avec le billet vert américain, le prix des maisons et des condos qui est au plus bas qu’on a vu depuis des années aux États-Unis. Bref, jamais l’achat d’une propriété au sud de la frontière n’a été aussi tentant pour les Québécois, pour les Canadiens. Mais attention, il y a des règles à suivre si on veut éviter un cauchemar fiscal au fil du temps, à la revente ou au moment d’une succession par exemple. Je joins Éric Labelle qui est un expert de ces questions, il est associé fiscalité internationale chez Raymond Chabot, Grant Thornton. Bonjour M. Labelle. Éric : Oui bonjour. Georges : Quel est le plus grand piège qui guette un acheteur canadien aux États-Unis? Éric : Écoutez, le plus grand piège, c’est l’impôt successoral américain qui diffère du nôtre dans le sens où nous, on n’a pas d’impôt successoral, nous, on s’impose évidemment au décès sur le gain en capital. C’est-à-dire j’achète une propriété 100 000 $, si elle vaut 200 000 $, bien j’ai un gain de 100 000 $ sur lequel je m’imposerai. Aux États-Unis, on a un impôt successoral applicable sur la valeur. Donc, si j’achète un immeuble 100 000 $ puis que je meure le lendemain, bien j’ai un impôt sur la valeur de 100 000 $. Georges : Même s’il n’y a pas eu de gain? Éric : Exact. Georges : Oh. Éric : Et donc Georges : Et quelle est la taille de cet impôt-là, le pourcentage? Éric : Le taux maximum actuel est de 35 %. Jadis, il était de 55 % là, il est rendu à 35 % et évidemment il y a un crédit. Donc le crédit en 2011 et 2012 est de – c’est-à-dire 5 millions. Pour ceux qui ne valent pas 5 millions en valeur absolue, donc si nos actifs ne sont pas de 5 $ millions, il n’y aura pas d’impôt successoral que la propriété vaille 1 million, 2 millions, 3 millions. Georges : OK. Éric : Dès qu’on excède ce 5 millions-là, c’est là que l’impôt successoral peut entrer en jeu. Maintenant, ce sont des règles assez complexes parce qu’il y a un bras de fer entre les démocrates et les républicains. Le crédit était il y a deux ans de 3.5 millions. L’an dernier, il n’y avait pas d’impôt au décès, là c’est 5 millions et c’est 5 millions pour 2011-2012. Tel que la loi actuelle est rédigée, en 2013, on retombe à 1 million. Et donc ça va être un bras de fer encore entre les démocrates et les républicains de savoir est-ce que le million, on le ramène à 5 millions, à 3.5 millions, on ne le sait pas. Georges : Pour beaucoup de monde, peut-être une majorité là qui s’achète un condo en Floride, par exemple, eux seront exemptés de cet impôt-là. Éric : Il n’y a pas de souci. Donc, pour monsieur tout le monde, je dirais, en ce moment, le crédit de 5 millions, bien c’est ça. Georges : OK Éric : Si on vaut pas 5 millions, on peut acheter n’importe quel condo en Floride et il n’y aura pas d’impôt au décès et on garde ça simple, on achète ça personnellement et il n’y a pas de souci. Georges : Pour quelqu’un qui a une fortune personnelle ou qui a une PME par exemple, qui est en affaire, bien là à ce moment-là, il faut faire attention parce que 5 millions de valeur, on peut l’atteindre assez vite là. Éric : Exactement. Et c’est là qu’on doit faire certaines stratégies, et puis là bien, écoutez, chaque cas est un cas d’espèce. Il faut évaluer l’âge de l’individu, est-ce qu’on veut – c’est parce qu’après ça, une fois que l’impôt successoral devient un facteur, il faut évaluer, est-ce qu’on veut revendre, et cetera. Parce que, selon la stratégie fiscale qu’on emploiera pour sauver cet impôt au décès qui encore une fois est de l’ordre de 35 % donc de la valeur de l’immeuble, on peut planifier, on peut prendre – parce exemple, il y en a tout simplement on peut prendre de l’assurance-vie. On prend de l’assurance-vie, si l’impôt au décès est de 200 000 $, bien quelqu’un, il s’assure, puis il prend 200 000 $ d’assurance-vie puis ça finit là. La succession sera pas prise avec – ça, c’est simple. Maintenant, on a quand même des cas des fois où l’on achète des propriétés dans les huit chiffres là, puis quelqu’un peut valoir quand même beaucoup de sous et puis là, l’impôt au décès peut être de l’ordre de, je sais pas moi, de 1 $ million. À ce moment-là, bien il y a différentes alternatives mais selon l’alternative que l’on choisit, l’impôt à la revente peut être plus élevé. C’est-à-dire si un individu vend actuellement un immeuble en Floride, l’impôt aux États-Unis est de l’ordre de 15 % en Floride. Georges : OK Éric : Parce qu’il y a juste un impôt fédéral de l’ordre de 15 %, en Floride il n’y a pas d’impôt d’état. Georges : Mais est-ce que l’entreprise, parce qu’il va falloir qu’elle investisse pour acheter des équipements, pour gérer sur place ses matières-là, payer les employés qui vont le faire, elle récupère ça au bout de combien de temps? Gaetan : OK Éric : Si c’est ailleurs, bien il peut y avoir un impôt d’état, donc l’impôt peut être de l’ordre de 20-25%. Ici, au Canada, un gain en capital, on dit que l’impôt dans le fond c’est 50 % de 50 %, c’est 25 %. Gaetan : Je vous dirais Monsieur Pothier, ça vaut toujours la peine quelle que soit la taille ou le volume.Oui, oui, oui. Concrètement là. Éric : Donc le plus élevé des deux, normalement c’est ici au Canada. Gaetan : OK. Éric : Je paie 15 % aux États-Unis, je paie 25 % ici, j’ai un crédit pour le 15 et le tout est joué. Selon l’alternative que je vais prendre pour éviter les droits successoraux, ça se peut que mon impôt à la revente aille jusqu’à 40-50%. Gaetan : Allons à l’essentiel, qu’est-ce que vous suggérez à ce moment-là? Éric : Bien écoutez, encore une fois, ça dépend des faits. Quelqu’un qui est assez âgé, qui ne peut pas revendre sa propriété, qui est prêt à laisser sa propriété dans une succession, et cetera, on peut faire ce qu’on appelle – on peut le mettre dans une fiducie canadienne, on peut le mettre dans une société de personne où on fait une élection qu’on appelle là dans le jargon un check the box et pour fait américain, c’est comme si on détenait ça dans une compagnie canadienne. Et donc au décès de l’individu, bien la compagnie ne meure pas et donc l’immeuble reste dans la compagnie. Cependant, au moment de la revente, étant donné que c’est une compagnie qui revend et non pas un individu, l’impôt aux États-Unis est de l’ordre de 40 % plutôt que 15. Par contre on a évité l’impôt au décès. Gaetan : Oui. Éric : Et c’est pour ça qu’aujourd’hui, écoutez, je vous dirais qu’il y a dix ans, on pensait beaucoup, beaucoup, beaucoup à l’impôt au décès. Dans le temps, le taux d’impôt était de l’ordre de 55 %, non pas de 35. L’exonération était de 1 million et non pas de 5 millions. Donc on se souciait beaucoup de l’impôt au décès. Aujourd’hui, je vous dirais que la clientèle, de plus en plus, est jeune. On voit des gens dans la quarantaine acheter des immeubles en Floride. Et là, ce qu’on voit, c’est non seulement pour leur – je veux dire pour leur propre habitation, c’est pour – c’est vraiment là de la spéculation, on veut revendre, on veut louer. Et dans ce cas-là, je vous dirais que l’impôt au décès, les gens, c’est comme si on n’y pensait pas. Puis on pense plutôt à la revente. Donc, on détient ça personnellement. Évidemment. Gaetan : Il faut vraiment, c’est ça, avoir une idée bien précise de ce qu’on veut faire avec le bien dans l’avenir. Éric : Tout à fait. Tout à fait. Puis de plus en plus, bien les gens, c’est vraiment de la spéculation. Donc ils achètent pour revendre, ils achètent pour louer. Et je vous dirais qu’à ce moment-là, on achète ça personnellement, on prend de l’assurance-vie, on garde ça simple, puis on espère surtout que la valeur va augmentée. Gaetan : OK. Oui tout à fait. Vous voyez beaucoup de transactions ces temps-ci? Éric : Énormément. Gaetan : Oui Éric : Énormément. C’est – écoutez en quinze ans que je fais ça, je vous dirais là depuis là – et la clientèle change beaucoup là. Depuis deux ans, on voit de plus en plus une clientèle jeune puis une clientèle comme je vous dis qui achète vraiment pour spéculer là. C’est même plus pour leurs besoins personnels. C’est vraiment des gens qui achètent deux, trois, quatre, cinq et voire même des parcs immobiliers. Gaetan : Chose certaine, en terminant, il faut vraiment prendre le temps de s’asseoir avec un fiscaliste pour regarder la situation avant de bouger. Éric : Tout à fait. Et il faut le faire avant parce qu’une fois qu’on a acheté, on ne peut plus après dire, ah mon Dieu, je suis devant un fait accompli. Est-ce que je peux prendre – non, il faut passer devant une revente, il faut refaire la stratégie parce que si on ne le fait pas directement par le biais d’une société, par le biais d’une fiducie ou autre, bien les lois fiscales américaines sont telles qu’elles viennent défaire. Donc il faut vraiment le faire lors de l’acquisition. Une fois qu’on l’a acquis personnellement, si on est devant le problème, bien il faut vraiment revendre l’immeuble. Gaetan : Bon bien alors, c’est beaucoup plus clair. Merci beaucoup M. Labelle de nous avoir expliqué tout ça aujourd’hui. FIN DE LA TRANSCRIPTION