Georges : Bienvenue à Partenaires en affaires, une nouvelle série d’entrevues en baladodiffusion. Chaque mois, nous développons un thème précis lié à l’actualité économique, au monde des affaires, aux nouveaux concepts de gestion. Ici Georges Pothier, chef d’antenne à la Chaîne Argent et journaliste économique à LCN et TVA. Notre sujet du jour, le commerce de détail qui évolue à toute vitesse au Québec, les habitudes de consommation qui changent, les magasins traditionnels qui ont fort à faire pour maintenir leur part de marché, les acteurs établis qui doivent maintenant se préoccuper de l’arrivée de plusieurs nouvelles chaînes américaines ou européennes qui deviennent de nouveaux concurrents. Pour parler de tout ça, Jean-François Grenier, directeur senior, Recherche, évaluation et service-conseil au Groupe Altus à Montréal. Bonjour Monsieur Grenier. Jean-François : Bonjour Monsieur Pothier. Georges : D’abord, un mot sur Altus. Qu’est-ce que vous faites au juste? Jean-François : En fait, Altus, c’est une société canadienne qui opère en fait dans plusieurs pays, en Angleterre, en Australie, un peu partout dans le monde. Et essentiellement, c’est une compagnie d’évaluateur immobilier. On fait évidemment tout ce qui touche la contestation de taxes, les coûts. Mais dans mon équipe à moi, on fait recherche marketing, alors tout ce qui concerne le commerce de détail, implantation de nouveaux magasins, prévisions de ventes, développement de réseau. Georges : Quelle est l’importance particulièrement du choix d’un emplacement pour un commerce au Québec? Jean-François : Vous savez, il y a un vieil adage qui dit, il y a trois choses importantes dans le commerce de détail, le site, le site, le site. C’est quelque chose de fondamental pour le commerce de détail puisque c’est une décision qui est, dans un premier temps, pérenne, c'est-à-dire que c’est une décision qu’on prend, que l’on construise un nouveau magasin ou que l’on décide de louer, c’est une décision qui va être pour du long terme généralement. Et c’est fondamental d’être dans un emplacement qui va être capable de générer les ventes que l’on espère faire pour pouvoir dégager des profits au bout de la ligne. Alors, c’est un élément qui est crucial dans le commerce au détail. Georges : Et ça, vous avez des barèmes pour ça, vous avez des grilles d’analyses. Par exemple, prenons un même carrefour là dans un axe commercial bien achalandé là. Quel peut être l’impact sur les ventes de faire par exemple le choix du coin nord-ouest par rapport au coin sud-est ou quelque chose du genre? Jean-François : Oui, bien là, évidemment, ça dépend du type de commerce, mais dans le cas que vous me parlez, un commerce qui vendrait par exemple de l’essence ou par exemple, un Tim Hortons, il est évident que le coin va jouer tout dépendant de quel côté du trafic on va se situer. Par exemple, on sait que les beigneries, c’est – ça fonctionne surtout bien le matin. Alors, il faut être dans le bon sens du trafic. C’est la même chose pour les stations-service, il faut de l’accessibilité, de la visibilité. Et tous les coins n’ont pas nécessairement la même valeur. Et ça peut faire varier le volume d’un coin à l’autre mais pas pour tous les types de commerce mais pour certains types de commerce facilement de 30 à 35 %. Georges : Et j’imagine que ça joue forcément sur la valeur des terrains ou des locaux commerciaux. Jean-François : Oui ça peut jouer là-dessus aussi mais on regarde plus large que ça. Nous, quand on fait une analyse de marché, nous ne regardons pas uniquement que le site, mais nous regardons également la zone de marchandise, la zone commerciale à l’intérieur de laquelle ce commerce-là va aller puiser sa clientèle. On va évaluer les variables sociodémographiques, la concurrence, le potentiel pour finalement arriver à une prévision de ventes. Georges : Quels sont les quartiers ou les régions les plus « hot » au Québec en 2011? Est-c qu’il y a vraiment des sites là où vous dites, ça roule à plein régime plus que d’autres? Jean-François : Bien écoutez, dans les dernières années, ce qui a bien fonctionné, c’est dans la périphérie de Montréal, je dirais les banlieues de troisième couronne, on peut penser à, je sais pas, Vaudreuil, on peut penser à Blainville, Mirabel, sur la Rive-Sud, on peut penser dans le coin de Chambly, ou à l’extrémité de Brossard où il y a eu le Dix30. C’est des endroits fondamentalement où il y a quand même encore une certaine croissance démographique, qui n’est plus le cas dans plusieurs régions au Québec. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de déplacement mais c’est sûr que les détaillants vont regarder les endroits où il y a encore de la croissance démographique et également certains quartiers centraux, en périphérie du centre-ville de Montréal qui ont aujourd’hui en fait, c’est un problème de terrain et disponibilité de locaux. Mais il y a quand même passablement de détaillants qui regardent ces quartiers-là qui sont souvent mal desservis par les points de vente de leur propre réseau. Georges : Et à contre partie, ça veut dire aussi des quartiers qui entrent un peu comme en dormance parce qu’ils sont moins populaires, la démographie a bougé jusqu’à ce qu’un projet rassembleur puisse les ranimer. Jean-François : Exact, oui, c’est exactement ça. Il y a des quartiers où il y a carrément une décroissance démographique ou même des villes où il y a de la décroissance démographique où là, c’est, tant qu’il n’y a pas une réanimation de ces quartiers-là ou de ces villes-là, évidemment il y a moins de projets parce que le potentiel est limité. Georges : J’aimerais qu’on parle un peu, parmi les grosses nouvelles des derniers mois là, de l’arrivée de nouveaux joueurs. On pense, on parle beaucoup de Target. Est-ce que ce sera si gros que ça comme impact sur le marché actuel? Jean-François : Bien écoutez, si on prend encore le cas de la région métropolitaine de Montréal, l’acquisition des booths Zellers, nous, on estime qu’il y aura probablement d’ici cinq ans, une vingtaine, en fait une quinzaine de magasins Zellers qui seront transformés en Target. Et probablement qu’il y aura un ajout d’environ cinq nouveaux points de vente. Oui, ça devrait être assez important puisque moi je m’attends à ce que Target soit en mesure de doubler les ventes de Zellers. Il ne faut pas oublier que quand Walmart avait acheté Woolco, il avait pratiquement triplé et moi je pense que Target va, pas nécessairement les tripler, mais va sûrement les doubler. Alors, ça va avoir un impact important, puis important sur certains joueurs qui sont dans le marché canadien. En autre, je pense à Sears qui, dans une partie, dans un créneau particulier, va être – risque d’être menacé là. Georges : Sous pression en tout cas. Jean-François : Oui Georges : Walmart. Jean-François : Walmart, bien là vous savez qu’ils ont annoncé Georges : Est-ce qu’ils vont souffrir de l’arrivée de Target? Jean-François : Walmart, ils ne souffriront pas tant que ça de l’arrivée de Target mais sûrement un peu, mais d’après moi, c’est pas là que l’impact va être le plus grand, parce que Target joue moins sur les prix, il joue sur les prix mais moins que Walmart. Moi je pense que l’impact va être plus grand pour Sears que pour Walmart. Georges : Vous alliez sans doute me parler à propos de Walmart de son incursion dans l’épicerie totale là. Est-ce que ça, ça va être gros ça? Jean-François : Bien ça va être gros, nous on croit, si je prends encore l’exemple de la région de Montréal, il y aura une douzaine de Walmart qui seront transformés en SuperCenter. Ça va représenter probablement des ventes annuelles en alimentation de l’ordre de 400 $ à 500 $ millions. C’est beaucoup, c’est un gros chiffre mais il faut comprendre que l’alimentation au Québec, c’est au-dessus de 20 $ milliards. Alors oui, ça va avoir un certain impact, pas sur tout le monde évidemment. Je pense que l’impact va être plus grand sur les enseignes qui jouent déjà sur le prix. On peut penser à Maxi, Maxi et Cie, Super C. Puis il va avoir une question de proximité également parce qu’on se déplace pas sur une vingtaine de kilomètres là pour aller faire son supermarché. Alors, les joueurs qui seront très près, les supermarchés qui seront très près de ces SuperCenters là pourraient évidemment sentir à tout le moins un effet qui pourrait être néfaste, je dis pas pour les faire fermer, mais ça va mettre une pression sur les marges c’est sûr et certain. Georges : À l’avantage des consommateurs. Jean-François : À l’avantage des consommateurs. Georges : Merci Monsieur Grenier. Jean-François : C’est parfait. FIN DE LA TRANSCRIPTION