Pierre Duhamel: Bienvenue à Partenaires en affaires, une série en baladodiffusion qui offre des conseils, aborde des dossiers chauds et traite de perspective économique susceptible d’intéresser les petites et moyennes entreprises. Je m’appelle Pierre Duhamel et je suis commentateur et blogeur à la chaîne Argent du groupe TVA. Cette diffusion est présentée en collaboration avec la Banque de Montréal. Le sujet aujourd’hui, la conjoncture économique. Les marchés boursiers s’effondrent, l’économie américaine chancelle et on s’inquiète de la survie de plusieurs institutions financières aux États-Unis et en Europe. Pas de doute, le climat économique se refroidit au fur et à mesure que l’automne gagne du terrain. Pourtant, on nous dit que l’économie canadienne est saine et plus solide que celle de nos voisins. Les entreprises canadiennes sont confrontées à une vilaine conjoncture économique, à quoi peuvent-elles s’attendre, comment peuvent-elles s’y retrouver quand les nouvelles sont si contradictoires? Je parle aujourd’hui à Guy Phaneuf, vice-président marchés monétaires chez BMO Nesbitt Burns. Merci M. Phaneuf de nous accorder cet entretien. Guy Phaneuf: Vous êtes le bienvenu. Pierre Duhamel: M. Phaneuf, est-ce que l’économie canadienne est en bonne santé? Guy Phaneuf: Elle est présentement en santé, je dirais pas en bonne santé parce que ce matin, on a eu les permis de construction et ils étaient beaucoup plus en baisse qu’attendu. Mais on a une économie qui est beaucoup plus saine actuellement qu’aux États-Unis. Cependant, on peut s’attendre à ce que l’activité économique au Canada et au Québec ralentisse avec le ralentissement de l’économie américaine. Pierre Duhamel: On parle de quel type de croissance économique pour la fin 2008 et pour 2009? Est-ce qu’on parle d’une croissance à peu près nulle, ou si elle est quand même jusqu’à 1 ou 2 %? Guy Phaneuf: Ah je vous dirais là que pour le restant de l’année on pourrait peut-être atteindre 1 à 2 %, mais pour l’année prochaine, avec la situation qu’on voit, je vous dirais que ça serait plus entre nul et peut-être une petite activité. Mais il y a des grandes chances qu’on tombe peut-être en récession, mais ça sera pas une récession aussi farouche qu’elle l’est actuellement ou qu’elle va le devenir aux États-Unis. Pierre Duhamel: Est-ce que c’est la même chose pour le Québec plus particulièrement? Guy Phaneuf: Bien disons que le Québec va être atteint ça c’est sûr du côté manufacturier. On va être atteint comme toutes les autres provinces, mais peut-être moins que l’Ontario qui elle est réellement là sur le côté, si je regarde l’Ontario, c’est surtout manufacturier automobile, eux, ça va être très difficile pour eux autres. Mais le Québec en tant que tel devrait être dans les chiffres de croissance canadienne. Pierre Duhamel: Il y a quelques mois, l’inflation était une préoccupation des économistes. Est-ce que ça l’est encore? Guy Phaneuf: Je vous dirais que la préoccupation, elle est là, mais beaucoup moindre. La Banque du Canada encore regarde l’inflation, mais je dois vous avouer que je pense que la crise de crédit et la crise financière actuelle vont prendre le dessus. Et comme, on pourrait s’attendre à ce qu’il y ait une concertation de coupures de taux d’intérêt par les banques centrales d’ici peut-être une semaine ou avant, à deux semaines, et cela d’au moins 50 points de base. Et avec ça, c’est sûr et certain que la Banque du Canada va y participer. Pierre Duhamel: Qu’est-ce que vous prévoyez concernant le marché immobilier canadien? Guy Phaneuf: Fort probablement une baisse de l’activité. Je vous dirais la possibilité de voir des, comment je pourrais dire là, des mises en vente, ça pourrait arriver, mais on n’a pas du tout la même condition, on n’a pas du tout les mêmes conditions qu’on a aux États-Unis où est-ce qu’il y a eu une surchauffe, mais une surchauffe qui était littéralement là surfaite. Au Canada, vous ne verrez pas du monde qui ont pas d’emploi, qui ont pas d’argent, qu’on va leur passer de l’argent pour acheter une maison. Au Canada, ça se fait pas. On a des réglementations et puis dû à ça, bien, si vous avez déjà acheté une maison, vous savez que CMHC qui est une corporation du gouvernement, c’est eux autres qui vendent de l’assurance si vous avez pas payé 25 % d’acompte sur la valeur de la maison, de votre hypothèque, bien vous devez prendre une assurance. Bon bien cette assurance-là donne aux banques une idée de votre capacité financière. Si vous n’êtes pas capable de payer l’assurance, comment vous pouvez payer pour la maison. Alors, je pense que le marché immobilier canadien est plus fort. De toute façon, les dépenses domestiques pour une maison au Canada, c’est environ 30 % du revenu. Tandis qu’aux États-Unis, c’était rendu à 55 % qui était beaucoup trop. Alors, je pense que le consommateur canadien va être capable de - - - le marché de la construction va bien aller, je dis pas là qu’il va y avoir des mises en chantier à n’en plus finir, mais ça sera pas là catastrophique comme aux États-Unis. Pierre Duhamel: Le dollar canadien a perdu des plumes ces dernières semaines. Où ce mouvement devrait-il s’arrêter? Guy Phaneuf: Le mouvement va s’arrêter surtout quand le mouvement vers le dollar U.S. comme devise de refuge va s’arrêter. En ce moment, le dollar canadien, si on regarde le dollar canadien vis-à-vis le dollar américain, c’est sûr et certain qu’on perd des plumes, le dollar canadien a perdu surtout aussi du fait que le prix du baril de pétrole est en bas de 100 $ même qu’aujourd’hui, on a été en bas de 90 $. Les ressources naturelles sont à la baisse, le prix du cuivre, du zinc et tout. Alors, c’est sûr qu’à ce moment-là, c’est une autre variable qui se rajoute sur une faiblesse du dollar canadien. Cependant, si on regarde le dollar canadien sur les autres devises, contre les autres devises comme l’euro, le yen ou la livre sterling, le dollar canadien est beaucoup plus fort. Il a pris beaucoup de valeur par rapport à ces devises-là. Et cette raison-là, c’est que justement, à un certain point, on a vu dernièrement un genre d’achat du dollar canadien comme si c’était une valeur, une monnaie de refuge aussi. Et fort probablement c’est dû à la solidité de notre système financier, notre système bancaire. Pierre Duhamel: Au niveau du dollar canadien, juste en terminant, est-ce qu’on peut dire que ça va avoir quand même un impact positif pour les entreprises exportatrices par rapport à leurs clients américains? Guy Phaneuf: Oui. Ça, c’est sûr, ça nous amène à être un petit peu plus compétitif vis-à-vis les Américains, vis-à-vis n’importe qui. Cependant, si j’étais la Banque du Canada et je me préoccupais de l’inflation, bien là, je vous dirais, ah, c’est inflationniste, c’est pas trop bon. Mais pour l’instant, je pense que la Banque du Canada ne dira pas un mot sur ça et puis, mais je ne vois pas le dollar canadien là aller jusqu’à - - - de 85 cents je vous dirais. On n’est pas loin avec peut-être deux ou trois cents de moins vers les bas-fonds là pour le dollar canadien pour l’instant. Pierre Duhamel: Même si le dollar canadien est plus faible, on n’est pas plus avancé si nos clients américains diminuent leur achat n’est-ce pas? Guy Phaneuf: Effectivement. Pierre Duhamel: Vous semblez très pessimiste par rapport à l’économie américaine. Guy Phaneuf: Disons que l’économie américaine a un problème, a un gros problème, un problème de liquidité, un problème de financement, un problème de perte de confiance envers leurs institutions. Et, qu’on le veuille ou non, les Américains vont avoir tendance à peut-être vouloir réduire leur consommation. Alors, c’est là que ça vient important, le « package » qu’ils ont fait de 700 $ milliards, j’ai bien hâte qu’ils le mettent en marche et qu’on recommence à donner la confiance aux investisseurs et aux consommateurs américains. Si cette confiance-là n’est pas restaurée, à ce moment-là, c’est sûr et certain que la consommation va réduire et puis à ce moment-là, on va s’en aller en récession. L’aspect positif que je vous donnerais c’est que le gouvernement américain est au courant. Les politiciens aussi et ils vont tout faire en ce moment pour pouvoir redonner cette confiance et repartir cette économie-là. Pierre Duhamel: Vous avez évoqué tout à l’heure la solidité des institutions financières canadiennes. Est-ce que nos entreprises peuvent encore compter sur leur banque pour obtenir les fonds nécessaires pour le bon fonctionnement de leur entreprise puis pour financer leur expansion? Guy Phaneuf: Je vous dirais que je pense que oui. Premièrement, c’est sûr que les banques canadiennes, vous savez que les banques canadiennes c’est fort probablement les banques qui ont le plus de réglementation à travers le monde. Et les banques canadiennes avec ça ont gardé cette réglementation qui nous protège finalement et qui les protège, c’est un bel oligopole qui finalement est solide et qui va être capable d’aider justement les entreprises qui ont besoin d’emprunter, même les entreprises avec cette crise du crédit là qu’on a actuellement, il y a certaines entreprises qui émettaient du papier commercial qui en ce moment peuvent emprunter avec leur ligne bancaire. Alors, les banques canadiennes en ce moment sont solides, elles ont la liquidité, elles ont le capital pour faire face à cette crise. La seule chose, on va espérer que cette crise-là ne dure pas aussi longtemps parce qu’à un moment donné, c’est le coût des fonds qui va affecter les banques canadiennes et elles vont être obligées de refléter ça avec les prêts aux entreprises. Alors, c’est pas, ça c’est le côté négatif de la chose. Mais peut-être que, à un moment donné, les investisseurs étrangers vont se réveiller et comprendre le système canadien, le système bancaire canadien et justement on va voir une appréciation du dollar canadien à un certain point, mais aussi une injection de capitaux dans les banques canadiennes. Vous savez qu’il y a une banque majeure la semaine passée, qui a fait une émission de 950 $ millions dans un marché qui était littéralement erratique. Alors, ça vous montre la solidité et la demande de bons papiers dans le marché. Pierre Duhamel: Écoutez, merci beaucoup Guy Phaneuf, vice-président marchés monétaires chez BMO Nestbitt Burns. Merci à vous d’avoir écouté cet entretien de la série Partenaires en affaires. Vous pouvez télécharger cette série en baladodiffusion sur les sites BMO.com et argent.canoe.ca le site de la chaîne Argent. Ici Pierre Duhamel, commentateur et blogueur à la chaîne Argent, qui vous souhaite bon succès. FIN DE LA TRANSCRIPTION