Le début de l’adolescence est le moment tout indiqué pour commencer à répertorier ses rêves d’avenir et à se préparer à les réaliser – avec votre aide, bien entendu. L’experte en habiletés parentales, La coach parentale France Paradis, et l’experte en finances personnelles, Christine Deslandes, donnent des conseils sur la façon d’aider vos adolescents de 13 à 15 ans à déterminer leurs objectifs à long terme et à économiser en vue de les atteindre.

Pourquoi les objectifs financiers à long terme sont-ils importants à cet âge?
France Paradis : Vers 13 ou 14 ans, les enfants entrent dans le monde des idées, des projets et de la vision à long terme. C’est le moment où ils s’intéressent à de grandes questions comme l’amour et la fin d’une histoire d’amour, la vie et la mort, la loyauté et la trahison, la foi et en quoi elle consiste. Les objectifs financiers à long terme représentent alors la possibilité d’incarner leurs croyances, leurs choix et leur vision. C’est donc un bon moment pour leur donner les outils qui leur permettront de saisir leur avenir en toute connaissance de cause!

Christine Deslandes : Parce qu’il y a plusieurs étapes dans la vie financière d’un individu : celle où l’on dépense plus que l’on gagne, celle où l’on accumule des richesses et épargne facilement, et celle où l’on cesse de travailler et vit de ses économies (retraite). Les jeunes adultes sont dans la phase où les dépenses à faire sont généralement plus importantes que les rentrées d’argent. Cette étape de la vie est propice à la dépense. Une façon de faciliter ce passage est d’inciter les ados à épargner dès maintenant pour leurs besoins futurs.

Un autre facteur important est le temps. Parce qu’il permet de faire fructifier l’argent, il constitue un atout de taille. Par exemple, imaginez qu’un jeune de 13 ans décide d’épargner 5 $ par semaine et qu’il obtienne un taux d’intérêt de 5 %. À 18 ans, il aura cumulé 1 473 $. À 23 ans, il aura 3 353 $. En multipliant la période d’épargne par 2, soit de 5 à 10 ans, le montant épargné aura plus que doublé (x 2,3). Et plus le temps passera, plus l’argent fructifiera.

Quelle importance y a-t-il pour l’enfant de définir ses objectifs futurs?
France Paradis : En commençant à définir ses objectifs, l’adolescent prend conscience du pouvoir qu’il a sur sa vie. C’est un moment stratégique, où l’éducation parentale passe de « directive » à « supportante ». Nous lui remettons lentement les reines de sa vie. Et discuter avec lui de ses objectifs, et le laisser poser les premiers gestes qui permettront de les atteindre, est effectivement une attitude parentale « supportante ».. Une chose importante est d’initier de nouvelles discussions sur des décisions prises antérieurement. Ramenez le sujet sur le tapis : vous lui apprendrez ainsi qu’il est utile de réviser ses objectifs régulièrement et qu’il est normal que ceux-ci changent selon les circonstances ou avec le temps.

Christine Deslandes : De nos jours, les enfants sont très ciblés par la publicité. Il est donc très tentant pour eux de suivre les modes et de dépenser à court terme. Dans ce contexte, comment économiser? Les objectifs sont une motivation à l’épargne.

En déterminant des objectifs précis, un enfant pourra établir un plan de match qui lui permettra d’atteindre ses buts. Il faut comprendre que ces objectifs peuvent être variés : voyage, auto, éducation, équipement sportif, etc. Ils peuvent représenter des montants plus ou moins élevés (des dizaines de dollars ou des milliers) et avoir un temps d’exécution plus ou moins long (dans 3 mois ou dans 20 ans).

Donc, en plus de choisir ce qu’il veut se payer, un adolescent devra s’informer des coûts et déterminer quand il aimerait se le procurer. Par exemple, il pourrait avoir comme objectif d’acheter un vélo très performant, au coût de 500 $, le printemps prochain.

Son objectif financier comporte donc 3 volets : 1) ce qu’il veut; 2) quand il le veut; et 3) le coût d’achat.

Indirectement, cependant, il devra aussi tenir compte de ses entrées d’argent et de ses autres dépenses. Ainsi, s’il pense recevoir seulement 100 $ entre aujourd’hui et le printemps prochain, il devra reporter l’achat du vélo, à moins d’avoir déjà accumulé de l’épargne qu’il pourra utiliser. Par contre, s’il sait qu’il touchera
600 $, il devra s’assurer d’épargner les 500 $ dont il a besoin pour l’achat du vélo. Du coup, il devra s’assurer que ses sorties, ses repas au restaurant et ses autres dépenses à court terme n’entravent pas la réalisation de son objectif principal.

Peut-on dire que la première démarche est l’établissement d’une stratégie, peu importe qu’un montant d’argent soit relié ou non à l’objectif visé?
France Paradis : On peut certainement dire que l’élément le plus important consiste à lui laisser décider de l’objectif et de le soutenir dans le choix des premiers gestes à poser. Ici, il est moins important de prendre LA bonne décision, que d’en prendre une et de passer à l’action.

Christine Deslandes : Il faut effectivement toujours réfléchir avant d’agir, peu importe ce qu’on fait.

Prenons comme exemple que l’objectif de votre enfant est de participer à un marathon. Il devra s’entraîner régulièrement afin d’avoir une performance satisfaisante lors de la course. Par conséquent, il devra insérer dans son agenda des moments pour s’entraîner et la date à laquelle aura lieu ce marathon. Il devra aussi s’assurer que cet objectif n’entre pas en conflit avec ses autres activités.

Comme vous voyez, il est toujours très important de planifier. En réfléchissant avant d’agir, votre adolescent pourra dresser une liste de tout ce qu’il veut. Comme cette liste dépend de ses valeurs, ses goûts, ses aptitudes, elle ne ressemblera à aucune autre liste.

Il pourra ensuite classer le tout par ordre de priorité. Il devra donc faire des choix, en tenant compte de ses limites financières, du temps disponible tout en pesant le pour et le contre.

Une fois les objectifs principaux fixés, il devra encore planifier leur exécution. Mais même si le coût d’un projet s’avérait plus élevé que ce qu’un ado peut se permettre, il pourrait parvenir à ses fins en trouvant des façons d’augmenter ses revenus ou en convainquant des membres de sa famille de contribuer (ex. : cadeau de fête ou de Noël en argent).

Comment parvenez-vous à amener les jeunes à saisir l’importance d’un REEE?
France Paradis : En lui demandant d'examiner les coûts des études supérieures au Québec : combien coûte une session dans la formation qui l’intéresse, les manuels, le transport et les autres frais. Examinez ensuite avec lui combien peut gagner un étudiant s’il travaille à temps partiel. Demandez-lui ce qu’il voit dans cet exercice. Ce qu’il en pense. Assurez-vous qu’il sache ce qu’est un REEE et comment cela fonctionne. Faites confiance à sa capacité de réflexion et demandez-lui si un REEE pourrait être un outil intéressant pour lui. Si vous avez vous-même utilisé un régime d’épargne pour un projet personnel ou familial, racontez-lui comment ça s’est passé et si vos objectifs ont été atteints; sans embellir la réalité ni omettre les fois où vous avez été tenté d’arrêter de cotiser…

Christine Deslandes : D’abord, il faut que l’enfant comprenne l’importance d’apprendre, d’étudier, d’avoir une profession. Au Canada, près de 70 % des nouveaux emplois exigent un diplôme d’études postsecondaires. Et cette proportion risque de s’accroître avec les années.

Ensuite, questionnez votre enfant sur ce qu’il compte faire dans la vie. Puis, à partir de sa réponse, identifiez les diplômes dont il aura besoin.

Dans un deuxième temps, indiquez à votre enfant ce que lui coûtera l’éducation. Et n’ayez pas peur de lui donner les vrais chiffres. Par exemple, actuellement au Québec, un trimestre à l’université coûte près de 1 300 $. Normalement, il y aura deux ou trois trimestres dans une année, ce qui totalise donc de 2 600 à 3 900 $. De plus, il faut penser aux frais de subsistance. Pour un enfant ne vivant pas avec ses parents, ils sont estimés à 11 500 $ par an.

Évidemment, ces coûts ne sont qu’une indication puisqu’ils changent d’année en année. En fait, le coût d’un diplôme universitaire devrait être encore plus élevé lorsque votre enfant aura atteint l’âge de s’inscrire.

Comment les aidez-vous à cotiser?
France Paradis : Le plus important est que le jeune sente que vous le soutenez, sans le faire à sa place. La façon la plus simple et formatrice de procéder serait de lui demander comment vous pouvez l’aider. Laissez-le réfléchir à cette question quelques jours. Je gage que vous serez surpris par la réponse. Lorsque nous faisons confiance à leur capacité de jugement, les ados sont non seulement ingénieux et créatifs, mais aussi beaucoup plus raisonnables que nous ne le croyons généralement.

Christine Deslandes : Une bonne façon de les aider est de mettre sur pied un régime enregistré d’épargne-études (REEE). D’ailleurs, en épargnant annuellement 2 500 $ par enfant, vous recevrez une subvention de 20 % du gouvernement fédéral et de 10 % du gouvernement provincial, soit 750 $ au total.
Notez cependant que les gouvernements accordent une aide supplémentaire aux familles moins nanties. Au gouvernement fédéral, on parle de 50 à 100 $ de plus par enfant et par an selon le revenu familial (entre
37 178 $ et 74 357 $ ou moins de 37 178 $). Au gouvernement provincial, la subvention supplémentaire maximale s’élève à 50 $.

De plus, le gouvernement fédéral octroie un Bon d’études canadien de 500 $ aux enfants nés après le 31 décembre 2003 et dont les familles bénéficient du supplément de la Prestation nationale pour enfants - généralement des familles avec un revenu après impôt de 38 832 $ ou moins. Cette somme, qui ne nécessite aucune contribution personnelle, est reçue dès que vous en faites la demande, mais elle est déposée directement dans le REEE. 25 $ vous sont également remis afin de couvrir les frais d’ouverture du régime. Puis, le gouvernement fédéral versera 100 $ par an jusqu’à ce que votre enfant ait 15 ans. Ce qui donne une aide totale de 2 000 $, en plus des rendements potentiels.

Qu’en est-il si le jeune souhaite économiser pour autre chose que les études, comme un article qui coûte cher?
France Paradis : Comme nous l’avons déjà mentionné, il est très important de permettre au jeune de prendre une décision après en avoir discuté avec nous ou une personne éclairée. Le plus important est de le laisser prendre cette décision, même si ce n’est pas celle que nous aurions prise. Rappelons-nous qu’il est en apprentissage et qu’il n’est plus à l’âge où l’on impose nos vues sans qu’il les partage. Ainsi, nous lui transmettons le sentiment de responsabilité si important à développer en matière de finances. Et rappelons-nous que toute décision est révocable en tout temps. Il peut changer d’idée… et il le fera assurément d’ailleurs, comme nous tous! Il faut nous rappeler que les projets à court terme sont toujours plus excitants que ceux à long terme. Il faut donc laisser de la place à ceux-ci, sans pour autant négliger le long terme.

Christine Deslandes : Naturellement, la plupart des parents aimeraient voir leur enfant économiser pour les études. Toutefois, il peut arriver que certains enfants n’aiment pas l’école… Pour eux, les études ne sont aucunement une motivation à épargner.  Seule solution : les raisonner.

Mais si votre enfant s’obstine dans son idée, il est préférable de respecter ses intérêts, en autant qu’il ait d’autres objectifs « louables ». Par exemple, votre enfant pourrait vouloir épargner pour de l’équipement sportif, l’achat d’un ordinateur, l’achat d’une voiture… Il n’y a rien de mal à avoir des buts différents. Cela ne veut pas dire que votre enfant ne réalisera pas des projets d’envergure au cours de sa vie.

Notez aussi que même si votre enfant épargne pour autre chose, rien ne dit que cet argent ne servira pas en bout de ligne à payer ses études… Le plus important, c’est vraiment d’encourager votre enfant à épargner.

- Le tour de la question avec Christine Deslandes et France Paradis